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Mars 2016 |
Pierre-Edouard CALONI dit " Calo " |
« Un directeur musical de chez Philips les entend jouer au Raspail Vert et leur propose d’enregistrer. Un disque est gravé chez Voxigrave aux frais de la Grande Masse de l'Ecole Spéciale d'Architecture en 1961, sous le Label Disques Kutch (du nom du triple décimètre), un 33T, 10 titres. »
« J'avais dix-huit ans, j'arrivai dans une autre planète pour atterrir sur celle curieuse de la fanfare et découvrir ce dont étaient capables Cyril et Pops, les deux trompettes à l'école depuis deux ans.
Bernard Penel "Pops". Il est le créateur de la fanfare, fédérateur de ceux qui s'essayaient à quelque chose avec des instruments en 57. Il pratiquait un humour critique et désespérément éthylique, capable de discourir sur les sujets les plus émouvants ou artistiques...
... Dans cette fanfare rudimentaire mais pleine de subtilité chacun jouait comme il la sentait. Pops exprimait tout ce qu'il pouvait y avoir de sensible dans une phrase, ajoutait de brefs et subtils contre-chants morcelés, s'appliquait à trouver un final particulier...Nous n'avions aucune technique mais une grosse soif de s'exprimer. Cyril manquait de lèvres, désarticulait un thème à le rendre cocasse, jouait assez souvent une tierce au-dessus de Pops... »
Le recto de la pochette est dessiné par Jean Pattou, élève de l'ESA, aujourd'hui dessinateur humoristique. Comme beaucoup de disque de fanfare, celui-ci est un peu le fruit du hasard :
« Le "Grand Massier" Tuloup se voyait assez bien dans le rôle du manager de la fanfare. Il lui vint la bonne idée de nous faire enregistrer un disque et il organise l'évènement fin 1960. Malaquais avait déjà sorti ses premiers disques de grande formation. Chez nous "Spéciale" n'a rien à voir, ni pour le nombre, ni pour la façon de jouer. La force de Malaquais, c'était la qualité des trompettes et l'effet de masse des grosses sections de trombones et basses.
On se retrouve à dix "musiciens" au studio DMS. Une fine équipe. On peut dire qu'àprès les prémisses préhistoriques c'était la deuxième formation de l'histoire de la fanfare. Celle de Montmartre avec Pops, Cyril, Flap, Coucoudou et moi-même, mais Montéty à la basse remplace Petit Pierre, Philippe prend le suba ou le trombone, il y a un vrai batteur à la caisse claire Henri, un bruiteur Desmarets que l'on appelle "Sophie", et Jean qui tient efficacement la grosse caisse.
Il faut s'habituer au lieu, aux micros. C'est un petit studio, avec un équipement qui paraîtrait sommaire maintenant. Enregistrer des cuivres qui ne jouent pas bien c'est un problème auquel les ingénieurs du son ne sont pas habitués. On répète. On s'applique. Si la musique et son interprétation peu à peu s'améliorent, les lèvres ne suivent pas et le son se dégrade. Nous avons passé plus de cinq heures à enchainer des morceaux et l'ambiance est montée. Je ne sais plus combien nous en avons joué mais il y a dix titres sur le disque 33 tours-17 cm. Les enregistrements de fin de journée ont été choisis. Moins bons ? Sûrement, mais avec plus de caractères.
C'est du rustique, avec des choses curieuses comme une attaque progressive et musclée de "Ein Tanzchen", un "Ain't she sweet" poussif et raté qui clôt la face 2, des tradis comme "Jean Gilles", "Marguerite" avec un passage en tango pourri, "La valse des Roses" où je prends mon premier solo, un chorus incroyable de Zuc à la clarinette sur "La Petite Polka", un "Tyroler Knappen Tanz" cocasse et un remarquable "Doce Cascabeles" dominé par les basses menant un rythme d'enfer sur fond de riffs de trompettes après une brillante introduction de ces dernières. Ça rigole. C'est un disque de musique instantanée, souvent approximative, enregistrée par des copains qui ne se prennent pas au sérieux, et ça fait de la bonne fanfare qui peut encore s'écouter.
C'est meilleur que certains disques récents dans lesquels les gars essaient de faire une musique propre alors qu'ils n'ont pas le niveau pour ça et dénaturent les mélodies au lieu de s'appliquer à conserver le caractère particulier de leur fanfare.
La Grande Masse(2), producteur du disque, ne doutait pas de son grand succès auprès des étudiants et anciens de l'école puisqu'il y a un document écrit dans lequel les responsables de la fanfare, au nombre de quatre (Pops, Jean, Coucoudou et Zuc), donnent leur accord pour toucher dix pour cent du prix des ventes à partir du cinq-cent-unième exemplaire vendu, les sommes restant consignées à la masse pour achat ou réparation d'instruments. Le disque a été pressé en 61 par Voxigrave. Je ne crois pas que les ventes aient dépassé la centaine ! »(1)
« Mauvais ! Nul : On avait la foi », dit Coucoudou (J.Pierredon).
« Pas tant que çà dit François Didierjean, on peut encore l’écouter, mais c’est rustique »… (Source : Véronique Flanet)
FACE 1 | FACE 2 |
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On peut noter que les morceaux enregistrés dans ce disque sont déjà des classiques, la fanfare de Spéciale Archi s'inscrivant dans la tradition de celle des Beaux-Arts. En effet, "Ain't she sweet" mis à part, tous les morceaux présents dans ce disque ont déjà eu à souffrir de l'interprétation musclée de Léon Malaquais dans ses deux premiers disques.
Trompettes : Bernard Penel (Pops), Cyril Kapp,,
Basses : Pierre Malafosse (Flap), Jacques Pierredon (Coucoudou Labagnache dit Coucoudou), Bernard de Montety,
Trombone : JPhilippe Godart et/ou François Didierjean,
Clarintte : Jean-Louis Zucarelli (Zuc),
Hélicons : Philippe Godart et/ou Jaubert (Petit Pierre),
Caisse claire : Henri Léger,
Grosse caisse :Jean Deville,
Bruiteur : Desmarets (Sophie).
Le disque sort donc en 1961 chez Voxigrave sous le label KUTCH, créé pour la circonstance, sous la référence LPC 121, c’est un microsillon de 17cm, 33 tours et porte le titre de « FANFARE DE SPECIAL ARCHI».
Ce disque n'a jamais été réédité.
(1) François Didierjean, "Mémoires de trombone - récits de fanfare"
Ce livre est édité à compte d'auteur, on peut se le procurer en envoyant un mail à François Didierjean à l'adresse suivante : francois.didierjean@orange.fr
Voir dans le cadre de cette rubrique, le chapitre "Quelques livres à lire avec gourmandise" publié en décembre 2014.
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(2)
Il s'agit là de la Grande Masse de l'Ecole Spéciale d'Architecture et non de la Grande Masse des Beaux-Arts. Contrairement à cette dernière, la Grande Masse de l'ESA n'existe plus, remplacée par le BDESA, bureau des élèves de l'ESA.
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